Datée de décembre 1567, il s’agit de la plus ancienne lettre connue de Montaigne, une fois écartée la pseudo-lettre du 24 août 1562 à Du Prat (un faux avéré de Vrain-Lucas). Il n’est pas encore l’informateur de Matignon, mais quand il séjourne sur ses terres, il renseigne déjà, via son ami Belot, ses collègues du Parlement de Bordeaux sur tout ce qui se passe dans son « quartier », en particulier quant aux mouvements de troupe suspects ou aux déplacements du roi de Navarre s’il en a connaissance. Loin d’être en villégiature en Périgord, le conseiller et futur maire Michel de Montaigne est, quand il est chez lui, « assis dans le moiau de tout le trouble des guerres civiles de France » (Essais, II, 6), tout près de la Dordogne, de Fleix et de Sainte-Foy, sur la route qui mène les protestants de Montauban à La Rochelle. Les troupes restées en Périgord auxquelles il est fait allusion dans la lettre sont les restes de l’armée de Duras, défaite en 1562 par Monluc à la bataille de Vergt, bourg proche de Montaigne, Vélines et Castillon (ville qui avait vu mourir Talbot au cours d’une célèbre bataille et que se disputeront plus tard Mayenne le ligueur et Turenne le huguenot).
L’original a disparu. A défaut, voici la copie manuscrite du XVIIIe siècle conservée à la Bibliothèque nationale de France : ms fr. 22373 (« Registre du Conseil de Parlement de Bourdeaux commençant le 12e Novembre Mil cinq cens soixante sept », dans Registres secrets du Parlement de Bordeaux, III, 1567-1568, p. 154-155). Dans la copie du Registre secret conservée à Bordeaux (Bibliothèque Mériadeck : ms 369), effectuée par le conseiller Savignac et datée de 1720, manquent les feuillets 103 à 113 (29 août 1566 – 13 novembre 1568). Ami de Montaigne, mais aussi de La Boétie, Jean de Belot est le dédicataire de trois des poèmes latins du Sarladais édités par Montaigne en 1571. Dans l’un d’eux (l’envoi) leurs deux noms sont associés.
Ce document a été trouvé et édité par Mathurin Dreano (La religion de Montaigne, Paris, Nizet, 1969, p. 91 ; reproduction dans les OEuvres complètes de Michel de Montaigne, éd. A. Armaingaud, Paris, L. Conard, tome XI). Dreano pensait avoir affaire à un « résumé », mais le mot « teneur » (autrement dit copie certifiée conforme) montre qu’il s’agit d’un extrait de la lettre de Montaigne à Belot. La correction de « il » en « je » et peut-être aussi le pronominal « ses » (confusion cependant possible avec « ces ») confortent cette interprétation.
A. Legros
Édition intégrale par Alain Legros
- Version diplomatique (Lettres réunies en un seul fichier, avec distinction des mains)
- Version régularisée (Lettres réunies en un seul fichier, avec distinction des mains)
- Version modernisée (Lettres réunies en un seul fichier, avec distinction des mains)