OCHINO Bernardino da Siena, La quinta parte delle Prediche, Bâle, 1562, [suivi de] Prediche del R. Padre don Serafino […] ditte Laberinti […], Pavie, (sans date)

OCHINO Bernardino da Siena, La quinta parte delle Prediche di M. Bernardino Ochino, non mai prima stampate. Con la sua Tauola degli articoli & capi, che in quelle si contengano. In Basilea, M. D. LXII.
[relié avec]
Prediche di R. Padre Don Serafino da Piagenza, ditte Laberinti del libero, o uer seruo Arbitrio, Prescienza, Predestinatione, & Libertà diuina, & del modo per uscirne. Molto utili & necessario alla salute, non mai piu uiste in luce. Stampate in Pavia. [sans date].
In-8°, italien
Localisation : Collection privée.

Consultée le 11 avril 2024, la notice n° 20 du Catalogue de vente « The Sixteenth Century », Part XXXIX (Gilhofer & Ranschburg, Luzern, © Fabrizio Govi, 2024) concernait, avant modification de dernière minute dûment signalée sur les sites AbeBooks et ZWAR consultés le 20 avril 2024, la vente de deux ouvrages inédits de Bernardino Ochino (1487-1564) réunis en un seul volume in-octavo (161 x 102 mm), relié en parchemin souple percé de quatre petites fentes qui attestent la présence ancienne de lanières aujourd’hui disparues.

Publié en 1562 à Bâle par Pietro Perna, le premier, qui fait suite à quatre autres recueils de prédications d’Ochino préalablement publiés, comprend cinquante sermons répartis sur 375 pages numérotées. Imprimé l’année précédente (1561) à Pavie (pour Bâle ?) en 260 pages numérotées (250 en fait), le second précise en page de titre les sujets théologiques traités dans les dix-neuf autres sermons qu’il rassemble : libre arbitre et serf arbitre, prescience et prédestination, libertés divine et humaine… Objets de controverses sans fin, ces questions ardues sont présentées par l’auteur comme autant de « labyrinthes » théologiques dont il se propose d’aider lecteurs ou auditeurs à « sortir ». La mention d’un faux lieu d’édition (Pavie pour Bâle) pourrait provenir d’une destination italienne de cette émission. D’où peut-être le pseudonyme donné à l’auteur de cet ouvrage qui s’ouvre cependant en toute clarté sur une dédicace de « Bernardino Ochino alla sereniss[ima] Elisabetta Regina d’Inghilterra desidera salute da Dio Padre nostro, & da Iesu Christo Signor nostro ».

On peut lire au dos de la reliure d’époque deux titres successifs, tracés en haut à la plume : le plus ancien en italien, d’une main qui pourrait être bâloise (Quinta / parte delle / Prediche / di Ochino), le plus récent, juste au-dessus et l’occultant en partie, en français (Ochino / Sermons / Italien). Si ce titre français postérieur peut être attribué aux Capucins de Bordeaux qui, peu ou prou après 1601, date de leur installation dans la ville, ont inscrit leur ex-libris en haut de la page de titre du premier des deux ouvrages (ad usum ff. [fratrum] Capucinorum Conuent9[us] // Burdigalensis / Catalogo Inscriptus, « à l’usage des Frères Capucins du couvent de Bordeaux, [livre] inscrit à leur catalogue »), le titre italien est celui qu’avait pu lire Montaigne quand, selon son habitude, il avait apposé sa signature (mõtaigne) au bas de la page de titre de la Quinta parte (et elle seule, comme premier titre) pour marquer sa possession.

Portant à vingt le nombre de livres en italien de la « librairie » retrouvés, cet exemplaire inscrit pour la troisième fois le nom d’Ochino dans la liste des ouvrages acquis par Montaigne dans des circonstances qu’il reste à définir (achats groupés ou disséminés ? à Bâle, en France, en Italie ?). La liste à laquelle la présente notice ajoute ce 108e ouvrage, contient déjà, aux numéros 69 et 70, deux autres ouvrages d’Ochino, tous deux signés de Montaigne en page de titre et conservés à la Réserve de la Bibliothèque nationale de France. Le premier, qui se présente comme une disputa, traite de l’Eucharistie, thème majeur de la controverse théologique d’alors : Disputa di M. Bernardino Ochino da Siena intorno alla presenza del corpo di Giesu Christo nel Sacramento della Cena, Bâle, 1561. Cette disputa qui, selon Chiara Lastraioli, ne serait pas de provenance italienne, a été reliée avec deux autres ouvrages hétérodoxes dont Montaigne appréciait les auteurs :  Sébastien Castellion alias Martinus Bellus, De hæreticis, Bâle, 1554, et Philippe Melanchthon, Defensio coniugii sacerdotum, Bâle, 1542. Sous forme de dialogues, l’autre volume, où une main autre que celle de Montaigne précise ou précisera qu’il s’agit d’un liber prohibitus, expose Il Catechismo, o vero institutione christiana di M. Bernardino Ochino da Siena, Bâle, 1561. L’exemplaire a été offert par Montaigne lui-même à  Pierre Charron le 2 juillet 1586, « en son château », comme indiqué dans un ex-dono latin au bas de la page de titre. Montaigne a-t-il possédé d’autres ouvrages d’Ochino (épîtres, dialogues, commentaires), à commencer par les « parties » précédentes de ses Prediche « ([Première partie] 1543, Deuxième partie 1550, Troisième partie 1551, Quatrième partie 1553) » ? Une étude minutieuse pourrait être menée pour savoir si telle ou telle page des Essais doit à l’aventure quelque chose aux prédications de l’auteur italien sur des sujets brûlants de la controverse théologique. La prudence toutefois s’impose : les trois Ochino retrouvés ne contenant aucune annotation ni trait de plume, on peut même se demander si Montaigne a seulement lu l’un ou l’autre de ces textes, à supposer même, ce qui est vraisemblable, qu’il les ait achetés en connaissance de cause.

Quant aux Capucins de Bordeaux, on pourrait s’étonner qu’ait figuré dans leur bibliothèque l’œuvre d’un auteur pour le moins hétérodoxe, mais il avait été en son temps le « vicaire général » de leur ordre et il était consulté, même depuis son éloignement de Rome, par tous les ordres religieux adonnés à la prédication (en particulier les jésuites…). Les catalogues des bibliothèques des capucins français, suisses et belges comptent d’ailleurs plusieurs exemplaires de ses ouvrages (selon Chiara Lastraioli). Si Montaigne n’a pu en rencontrer de son vivant dans sa ville (ils s’installent neuf ans après sa mort), il associe les Capucins aux Feuillants quand il dit, dans les Essais, admirer, mais sans l’envier, l’extrême austérité de leur vie. À Paris, les deux communautés étaient, de son temps, voisines l’une de l’autre, proches du château des Tuileries et du manège où il a pu voir des cavaliers s’exercer. C’est donc sans doute en allant à la Cour qu’il les a rencontrés ou qu’il en a entendu parler de façon élogieuse. Au siècle suivant , après la dispersion de la « librairie » (sans doute en 1633, comme mentionné sur deux volumes retrouvés, donc après la mort de la fille puis de la veuve de Montaigne), une vingtaine d’ouvrages qui en étaient issus, tant religieux que profanes, se retrouveront dans des bibliothèques ecclésiastiques de Bordeaux d’où il seront extraits à la Révolution : outre celles des Capucins (Ochino) et des Feuillants (exemplaire des Essais de 1588 dit de Bordeaux, copieusement amplifié par l’auteur), celles des Carmes déchaux (sept volumes), des Jésuites (trois, pour s’en tenir au collège de Bordeaux), des Récollets (un), des Lazaristes (deux), des Bénédictins (un) et du Grand Séminaire (trois), soit des acquisitions qu’il serait intéressant de pouvoir dater pour savoir si elles sont antérieures ou postérieures à la mise à l’index des Essais (1676).

Alain Legros, 26 mai 2024

Avec la collaboration de Chiara Lastraioli, qui a fait bénéficier Marie-Luce Demonet et moi-même de sa belle découverte de la signature de Montaigne au bas de la page de titre de la Quinta parte delle prediche d’Ochino, reproduite dans le catalogue susdit de Gilhofer et Ranschburg, mais sans mention de cette signature.

Dos – (c) Collection privée

 

Dos, Titres – (c) Collection privée

Page de titre 1 – (c) Collection privée

Ex libris Montaigne, à la lampe de Wood, Page de titre 1 – (c) Collection privée

Page de titre 2 – (c) Collection privée

Autres exemplaires numérisés

Autres exemplaires numérisés et téléchargeables séparément :

  • Ochino, Bernardino : La quinta parte delle prediche di M. Bernardino Ochino, non mai piu prima stampate : con la sua tavola degli articoli & capi, che in quello si contengano. In Basilea : [Peter Perna], 1562. Universitätsbibliothek Basel. , UBH Aleph E XI 58b:2 https://doi.org/10.3931/e-rara-9018 / Public Domain Mark
    > Consulter sur e-rara
  • Ochino, Bernardino : Prediche del R. Padre Don Serafino da Piagenza, ditte laberinti del libero, o ver servo arbetrio, prescienza, predestinatione, & libertà divina, & del […] : Molto utili alla salute, non mai piu viste in luce. Stampate in Pavia [i.e. Basel] : [Peter Perna], [1561]. Universitätsbibliothek Basel. , UBH Aleph E XI 59:3 https://doi.org/10.3931/e-rara-9227 / Public Domain Mark
    > Consulter sur e-rara