Introduction (M.-L. Demonet et A. Legros, 29 août 2016)
Texte et traduction (M.-L. Demonet et A. Legros, 29 août 2016)
Bibliographie
Introduction
Cette approbation figure à la fin des deux exemplaires de la Schola Aquitanica conservés à la Bibliothèque nationale de France, mais est absente des autres exemplaires, notamment de ceux de la Bibliothèque municipale de Bordeaux et de Cambridge (fac-similé), où le feuillet est absent.
La Schola Aquitanica est un document précieux pour qui s’intéresse à l’histoire de l’éducation dans les collèges au XVIe siècle, et à Montaigne en tant qu’ancien élève du fameux collège de Guyenne à Bordeaux, puis responsable de cette institution. L’approbation a été décidée par le conseil de la ville, alors que Montaigne en était maire, peu de temps après son retour d’Italie et le renouvellement de son mandat (1er août 1583) et peu avant la lettre d’Elie Vinet du 26 novembre 1583, que nous éditons ici-même.
Ce programme d’étude a été sans doute rédigé par André de Gouvéa, qui fut principal au Collège de 1534 jusqu’à sa mort en 1548 et est resté, selon Montaigne, « sans comparaison le plus grand principal de France » (I, 26, Exemplaire de Bordeaux 66v). Il a probablement été complété et publié par Élie Vinet, lui-même régent (professeur) dans ce même collège de 1539 à 1556, puis principal (1562-1589) au moment de la publication.
Le règlement s’inspire des principes éducatifs érasmiens et des programmes tels qu’ils avaient été mis en œuvre dans les collèges de Lisieux et de Sainte-Barbe à Paris, établissements « humanistes » où avaient professé plusieurs des régents que la ville de Bordeaux engagera au moment de la réforme du collège municipal vers 1533 : certains sont nommés dans les Essais, comme George Buchanan, Marc-Antoine Muret, Nicolas de Grouchy, Guillaume Guérente (I, 26, Exemplaire de Bordeaux, 65r). Reflète-t-il ce qui était réellement enseigné dans ce collège « tres-florissant pour lors, & le meilleur de France » (65v)? En grande partie, comme le montrent les annotations de Louis Massebieau (éditeur et traducteur de ce texte), l’étude des archives par Ernest Gaullieur (Histoire du Collège de Guyenne, 1874) et les travaux fondateurs de Jules Quicherat (Histoire de Sainte-Barbe, 1860).
Les statuts des collèges tenus par des religieux ou fondés sur ce modèle étaient souvent à usage interne et destinés aux professeurs, mais les nouveaux collèges protestants avaient commencé à diffuser les leurs, souvent inspirés par le modus parisiensis qu’était Sainte-Barbe (selon George Huppert). La publication imprimée, initiée par l’Heptadogma programmatique de Robert Goulet (1517), confirme la volonté de montrer aux parents l’excellence d’un tel cursus, et aux administrés le bien-fondé du financement d’un établissement fort coûteux : contrairement à Paris, où les élèves non boursiers payaient les pédagogues, ceux-ci étaient rémunérés par la ville. En 1583, la concurrence des nouveaux collèges jésuites se faisait déjà sentir, et allait conduire, à Bordeaux, au déclin du collège de Guyenne au début du XVIIe siècle, alors que les jésuites s’inspirent des mêmes modèles et ont souvent été, comme Ignace de Loyola, étudiants à Sainte-Barbe.
Texte et traduction
Louis Massebieau s’était servi de l’exemplaire BnF Rés Z 103 (nouvelle cote : Rés Z 2036). Nous avons préféré reproduire celui qui appartenait au collectionneur Étienne Baluze, de bien meilleure qualité. Les textes sont identiques. La traduction de Massebieau, en partie fautive, a été révisée.
Texte latin
ANno Christi M.D.LXXXIII.
VII.Id. Sep. Burdigalen. ciuita-
tis Praefecti, Michaël Montanus Re-
gij ordinis Eques, Maior, & Godo-
fretus Alesmius. Ioann. Galopinus,
Petr. Reinerius, Ioan. Perius, Ioan.
Clavellus, Iurati, simúlque Gabriel
Lurbeus Procurator eiusd. Ciuitat.
ac Richardus Picho Scriba, quum
de more in aedis publicas [sic pour publicis] conuenis-
sent: verbáque fecisset Lurbeus de
libello, cui Scholae Aquitanicae titu-
lus est: responderunt Patres, probum
videri librum: censuerúntque, vti
primo quoque tempore publicetut [sic pour publicetur] :
quo disciplina adhuc obseruata in
suo Burdigalen. Gymnasio, notior
euadat, nec facile vnquam depra-
uetur.
Traduction
L’an du Christ 1583, le 7e jour avant les Ides de septembre [7 septembre], les Préfets [le Conseil municipal] de la ville de Bordeaux, Michel de Montaigne, Chevalier de l’ordre du roi, Maire, Godefroi d’Alesme, Jean Galopin, Pierre Reynier, Jean Perey, Jean Clavel, Jurats, assistés de Gabriel de Lurbe, Procureur de la cité, et Richard Pichon, Secrétaire, s’étant réunis au sujet des règles en usage dans les bâtiments publics, et de Lurbe ayant fait un rapport sur le livret qui a pour titre Schola Aquitanica [Le Collège de Guyenne], les Pères [les membres du Conseil] ont approuvé le livre et ont été d’avis qu’il fallait le publier dès que possible, pour que le règlement observé jusqu’à maintenant dans leur collège de Bordeaux soit mieux connu et que désormais il ne soit pas facile de l’altérer.
Marie-Luce Demonet et Alain Legros, 29 août 2016
Bibliographie
- Bonnefon, Paul, Montaigne – L’homme et l’œuvre, Bordeaux-Paris, Gounouilhou-Rouam,1893.
- Courteault, Paul, « Le premier principal du Collège de Guyenne », dans Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, t. 29, 1936, p. 5-15.
- Gaullieur, Ernest, Histoire du Collège de Guyenne, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1874.
- Huppert, George, Public schools in Renaissance France, Urbana, University of Illinois Press, 1984.
- Massebieau, Louis, Schola Aquitanica. Programme d’études du Collège de Guyenne au XVIe siècle, Paris, Delagrave, 1886.
- Porteau, Paul, Montaigne et la vie pédagogique de son temps, Genève, Droz, 1935.
- Quicherat, Jules, Histoire de Sainte-Barbe. Collège, communauté, institution, Paris, Hachette, 1860.
- Trinquet, Roger, La jeunesse de Montaigne, Paris, Nizet, 1972.
- Trinquet, Roger, « Nouveau aperçus sur les débuts du Collège de Guyenne : de Jean de Tartas à André de Gouvéa (1533-1535) », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 26-3, (1964), p. 510-558.
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