Les Essais posthumes de 1595 et de 1598

Localisations : Université de Cambridge, BM de Bordeaux et Musée Plantin (Anvers).

Introduction (A. Legros, 07/03/2015)
Bibliographie
Ressources

Introduction

Faut-il considérer l’Exemplaire de Bordeaux (ci-dessous EB) comme le dernier état du texte des Essais ou bien tenir pour tel l’une ou l’autre des éditions posthumes procurées par Marie le Jars de Gournay, en particulier celles de 1595 et de 1598 publiées à Paris par Abel L’Angelier, libraire du Palais ? La controverse dépasse le cadre et l’ambition de cette présentation, mais il faut rappeler qu’elle continue à diviser les spécialistes de Montaigne et qu’elle conduit à des éditions rivales entre lesquelles le lecteur critique est contraint de choisir, accordant son crédit soit à un texte reconstitué à partir d’un document certain, mais mutilé, dont rien ne nous dit que l’auteur l’a conçu comme définitif, soit à un texte complet, mais dont on ne peut assurer que l’éditrice ne l’a pas quelque peu modifié ou lissé par rapport à l’exemplar, distinct d’EB, qu’elle a reçu de la veuve de Montaigne en 1594.

Pour s’en tenir aux deux premières éditions posthumes, celle de 1595 (in-folio à double pagination) et celle de 1598 (in-8° à pagination continue), elles ont toutes deux, à l’article défini près (le titre est désormais connu, pour ainsi dire labellisé) le même titre que l’édition précédente : Les Essais de Michel Seigneur de Montaigne. Juste au-dessous, une précision sur la source justifie l’édition et le privilège royal de 10 ans accordé à Abel L’Angelier le 15 octobre 1594  : Edition nouuelle, trouuee [1598 : prise sur l’exemplaire trouué] apres le deceds de l’Autheur, reveuë et augmentée par luy [1598 : reueu et augmenté] d’un tiers plus qu’aux [1598 : outre les] precedentes Impressions [1598 : impressions]. En 1595, on trouve au-dessous la marque d’imprimeur (celle de L’Angelier ou celle de Sonnius qui lui était associé pour la première émission), que l’édition de 1598 fait disparaître pour inscrire dans un cadre d’élégantes « grottesques » à rinceaux et putti le titre et le justificatif suivis de l’épigraphe virgilienne « Viresque acquirit eundo », rapportée par Marie de Gournay de son séjour de 1595-96 auprès de la veuve et de la fille de Montaigne, chez qui elle a pu à loisir, mais seulement à cette date, consulter EB resté au château.

Cette consultation lui a permis de vérifier, s’il en était besoin, que les « Vingt neuf Sonnets de La Boétie » avaient bien été supprimés par un grand trait oblique sur chaque page, mais aussi que l’avis « Au Lecteur » corrigé par Montaigne présentait des différences importantes avec celui qui avait été égaré en cours d’impression puis retrouvé et inséré juste après la table des matières de l’édition de 1595 sur plusieurs exemplaires L’Angelier et la plupart des exemplaires Sonnius. L’exemplaire dit d’Anvers permet de voir quelles corrections autographes l’éditrice a apportées en conséquence, non seulement à cet avis mais aussi à quelque 90 erreurs trouvées dans le texte même (la collation avec ses corrections autographes sur d’autres exemplaires reste à faire).

Bénéficiant de ce travail, l’édition de 1598 est meilleure que la précédente. On y trouve l’avis « Au lecteur » dûment corrigé et la « fille d’alliance » y remplace sa longue préface de 1595 par quelques lignes de rétractation. Cette deuxième édition posthume de Marie de Gournay allait être suivie de quelques autres, toujours plus ou moins remaniées, jusqu’en 1635, mais c’est celle de 1598 qui a servi de base à tous les éditeurs futurs (Naigeon excepté), donc aussi à leurs lecteurs, parmi lesquels Pascal, Montesquieu, Rousseau et Flaubert, jusqu’au début du XXe siècle. Ainsi de la grande édition des Essais donnée par Pierre Coste à Londres en 1754, dont un exemplaire conservé à la Bibliothèque de Bordeaux-Mériadeck contient les précieuses notes de Florimont de Raemond, ami de Montaigne, telles qu’elle ont été reproduites par François de Lamontaigne.

Les BVH prévoient la prochaine mise en ligne de l’enregistrement oral du texte intégral des Essais de 1598 préparé par Marie-Luce Demonet et lu par le comédien Pierre Tissot.

Bibliographie

  • Montaigne, Les Essais, éd. de J. Balsamo, M. Magnien et C. Magnien-Simonin, Paris, 2007.
  • R. A. Sayce et D. Maskell, A Descriptive Bibliography of Montaigne’s Essais, Londres, 1983, p. 21-38.
  • J. Balsamo et M. Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain (1574-1620), Genève, 2002, p. 266-270.
  • J. Balsamo, « EB vs 95: un débat bien français pour une question mal posée », Bulletin de la Société Internationale des Amis de Montaigne, n° 2, 2013, p. 269-286.
  • M. Simonin, L’encre et la lumière, Genève, 2004, p. 523-550.
  • Dictionnaire de Michel de Montaigne, dir. P. Desan, Paris, 2008 : « Édition de 1595 » (J. Balsamo vs C. Blum), « Édition de 1598 » (J. Balsamo). 
  • J. O’Brien, « Gournay’s Gift: A Special Presentation Copy of the 1595 Essais of Montaigne », The Seventeenth Century, n°29/4, 2014, p. 317-336.

Ressources

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.