Introduction (A. Legros, 18/05/2017)
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Localisation : Archives Départementales de la Gironde (FRAD033_3E4457)
Introduction
Les Archives départementales de la Gironde conservent, sous la cote 3 E 4457, le contrat de mariage entre Michel de Montaigne et Françoise de La Chassaigne, établi à Bordeaux le 22 septembre 1565 par Léonard Destivals, notaire royal, et sans doute rédigé par un clerc. Comme l’explique une « Nota » marginale de la main du notaire (avec signature) au f° 4 v°, ledit contrat a été « commué », par consentement mutuel des parties, en deux contrats, dont chacun est signé séparément par les futurs époux, leurs parents et leurs témoins : le contrat de mariage proprement dit, puis le contrat de « plaigerie » (caution). Ayant fait l’objet d’une copie et livraison à part, ce dernier est barré de traits obliques en diagonale comme demeurant « pour néant » dans le présent document qui réunissait les deux pièces.
Par le premier contrat, Michel et Françoise s’engagent à « solenniser mariage en face de sainte mère Église », l’épouse recevant habits et bijoux « selon la coutume de Guyenne ». La dot est de 7000 livres tournois. Autres dispositions (sauf circonstances énumérées dans l’acte) : donation au dernier vivant de 2000 livres ; renonciation de l’épouse à toute succession du côté de son père comme de sa défunte mère ; versement futur à l’épouse du tiers des acquêts de l’époux après mariage ; maison meublée et rente pour la veuve si son époux est « prédécédé » ; au décès des deux époux, legs du tiers des biens de chacun d’eux à l’enfant mâle qu’ils auront choisi, et à défaut à l’aîné ; hypothèque de 2000 livres sur les biens de l’époux, de son père et de sa mère, en faveur de l’épouse ; don du père à son fils d’un quart du « revenu de Montaigne depuis la terre de Castillon en Bordelais, jusques au ruisseau de Lestros, juridiction de Montravel » (château et autres édifices cependant exclus).
Après avoir signalé les juridictions compétentes en cas de désaccord et rappelé les engagements pris par tous solidairement sur les « saints évangiles Notre Seigneur », l’acte se clôt sur les mentions de lieu (Bordeaux) et de date (22 septembre 1565), suivies des noms des présents avec indication des liens de parenté, et signatures : Michel de Montaigne et Françoise de La Chassaigne (les époux), Pierre Eyquem et Antoinette de Louppes (les parents de Michel), Joseph de La Chassaigne (le père veuf de Françoise), Pierre Eyquem de Montaigne seigneur de Gaujac (oncle paternel de Michel, ecclésiastique), Nicolas et Guillaume de La Chassaigne (oncles paternels de Françoise, ecclésiastiques), Pierre de Louppes et Pierre de Montcuq (témoins, l’un écuyer, l’autre avocat).
Outre qu’il est supprimé explicitement, le contrat de « plaigerie » n’apporte pas d’élément vraiment nouveau. Il est signé des mêmes personnes, même lieu, même date.
Sur son Éphéméride de Beuther, c’est à la page du 23 septembre (donc le lendemain du contrat) que Montaigne a enregistré son mariage : « L’an 1565, j’épousai Françoise de La Chassaigne ». Il aura d’elles six filles, dont une seule survivra, Leonor. Veuve, elle lui fera ériger un tombeau au monsastère des Feuillants, à Bordeaux. Dans les Essais (III, 5), Montaigne distingue avec soin l’amour (passion éphémère) et le mariage (institution durable). Les bons époux sont, selon lui, ceux qui cultivent entre eux des rapports d’amitié et d’utilité réciproque. Il s’étonne d’avoir été plus fidèle à sa femme qu’il ne pensait pouvoir l’être au moment de son mariage. Deux ans auparavant était mort son grand ami La Boétie. À l’entendre, il s’est alors « diverti » de son deuil par l’amour : « Je fus autrefois touché d’un puissant desplaisir, selon ma complexion : et encores plus juste que puissant : je m’y fusse perdu à l’adventure, si je m’en fusse simplement fié à mes forces. Ayant besoing d’une vehemente diversion pour m’en distraire, je me fis par art amoureux et par estude : à quoy l’aage m’aydoit : L’amour me soulagea et retira du mal, qui m’estoit causé par l’amitié. » (III, 2). Parle-t-il ici de Françoise ? On ne peut l’exclure, même si le mariage avait toutes les apparences d’un mariage de raison. Si oui, eut-elle à s’en féliciter ? Ici s’arrête la biographie et commence le roman…
Legros
18/05/2017
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