Inscriptions du tombeau de Montaigne

Localisation : Musée d’Aquitaine, Bordeaux

Introduction (A. Legros, 03/09/2013)
Photographies
Édition (A. Legros 2013)

Introduction

Sur l’Éphéméride de Beuther que possédait Montaigne, son frère Bertrand a écrit à la page du 13 septembre : « cete annee 1592 mourut michel segneur de Montaigne age de 59 ans e demy ». Sa fille Léonor a précisé ensuite le lieu du décès, puis celui de la sépulture : « a montaigne son cœur fut mis dans lesglise st michel et fransoise de la chasagne dame de montaigne sa vefve fit porter son corps a bourdeaus et le fit enterrer an leglise des Fœillens ou elle luy fit faire un tombeau esleve et acheta pour cela la fondation de lesglise. »

Après bien des péripéties, le cénotaphe se trouve aujourd’hui au Musée d’Aquitaine (http://www.pourmontaigne.fr/medaillons-temps-de-ledification-cenotaphe/). Sous le gisant, de chaque côté du tombeau, deux épitaphes sont gravées en lettres d’or sur marbre noir, l’une en latin, l’autre en grec. Encadrées de médaillons ovales sur fond de marbre rouge, quatre inscriptions postérieures, deux par côté, complètent ce jeu d’inscriptions dans la partie inférieure de l’édifice. Attribuée par Reinhold Dezeimeris à Jean de Saint-Martin, l’épitaphe latine, a été précédée d’une ébauche manuscrite retrouvée par Jules Delpit parmi les papiers de Geoffroy de Malvyn, ancien collègue de Montaigne au Parlement et cousin de sa femme, Françoise de la Chassaigne. Si l’on compare les deux moutures, on voit en particulier que le nom de Léonor a disparu pour ne laisser que celui de Françoise.

Au milieu d’un entrelacs de ceps et de feuilles de vigne, la longue inscription latine consacre le monument à Michel de Montaigne, hôte parfait, modèle de sagesse et d’humanité durant sa vie comme devant la mort. L’ébauche manuscrite soulignait de surcroît sa parfaite maîtrise du discours pro et contra, à la fois scolastique et sceptique. Au milieu de feuillages de laurier et à la faveur d’une prosopopée, l’inscription grecque en distiques élégiaques le fait parler de lui-même comme d’un dieu retourné au ciel, loin des querelles intestines fomentées par l’envie, et cela pour avoir su allier, dans sa pensée, christianisme et scepticisme (dans sa préface aux Hypotyposes de Sextus Empiricus, Gentian Hervet avait recommandé cette association aux apologistes). Validées par sa veuve, sinon inspirées par elle, les deux inscriptions emphatiques (telle est la loi du genre) témoignent de la toute première réception posthume de Montaigne.

Source : A. Legros, « Deux épitaphes pour un tombeau », in Montaigne et sa région, numéro spécial du Nouveau Bulletin de la Société Internationale des Amis de Montaigne, IV, 2e semestre 2008, p. 391-400, avec illustrations et références bibliographiques (J. Lapaume, R. Dezeimeris, Ph. Desan, J. Balsamo, O. Millet).

Dernière minute : M. Jean Louis Latapie, descendant du neveu de François de Paule Latapie (1739-1823), m’a envoyé un document curieux qu’il m’autorise à reproduire et à diffuser. Qu’il en soit ici vivement remercié, ainsi que sa famille. C’est à leur ancêtre, inspecteur des manufactures de Guyenne, qu’on doit l’une des toutes premières descriptions de la tour de Montaigne et de sa « librairie », dont il possédait d’ailleurs trois ouvrages (Bacci, Denys d’Halicarnasse, Masuer). Cette archive familiale consacre une page à la transcription de l’épitaphe grecque du tombeau de Montaigne avec traduction juxtalinéaire en latin, une autre page à la traduction en français de cette même inscription, une troisième enfin à la transcription de l’épitaphe latine, sous laquelle le neveu de Latapie, Pierre-Auguste, a écrit : « Ce qui précède est de l’écriture de ma tante Latapie, née Ménoire, femme d’un esprit et d’une instruction remarquables. » Cette tante, en effet fort instruite et diligente, n’avait pas manqué de préciser sous sa transcription du grec la place exacte occupée par le tombeau au moment où elle écrit.

Alain Legros, 3 septembre 2013
Mise à jour le 1er mars 2017

 

Photographies

Cénotaphe de Montaigne côté latin, Musée d’Aquitaine.
© Photo Léo Fiévet, mairie de Bordeaux.

Épitaphe latine, Musée d’Aquitaine.
© Photo Florian David, mairie de Bordeaux.

Cénotaphe de Montaigne côté grec, Musée d’Aquitaine.
© Photo Florian David, mairie de Bordeaux.

Épitaphe grecque, Musée d’Aquitaine.
© Photo Florian David, mairie de Bordeaux.

Inscriptions du tombeau de Montaigne

Françoise de la Chassaigne, commanditaire du tombeau, Musée d’Aquitaine, photo A. Legros.

Épitaphe grecque. Coll. part. Photo Jean-Louis Latapie.

Épitaphe grecque. Coll. part. Photo Jean-Louis Latapie.

Épitaphe latine. Coll. part. Photo Jean-Louis Latapie.

Épitaphe latine. Coll. part. Photo Jean-Louis Latapie.

Édition par Alain Legros (versions groupées en un seul fichier)

Voir aussi le dossier consacré à la restauration du Tombeau.

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