Copie Leydet du Journal de Voyage (1771)

[Journal de voyage de Montaigne], Copie de Leydet, 1771
Localisation : Bibliothèque Nationale de France, Manuscrits, Périgord 106

 

Introduction (A. Legros, 29/05/2015, mise à jour : 23/03/2017)
Fac-similés
Édition (A. Legros, 2017)

Introduction

Le manuscrit original de ce que la tradition critique appelle le « Journal de voyage de Montaigne » a disparu. La plus ancienne copie qui en été faite, copie à la vérité très partielle, date de juin 1771, soit quelques mois après la découverte du document par Joseph Prunis, en 1770, dans un coffre du château de Montaigne. Elle a été effectuée par Guillaume-Vivien Leydet, chanoine régulier de Chancelade en Périgord, comme Prunis à l’époque. Sous le titre « Extrait des voyages de Montagne » et signée par Leydet, elle est aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale de France dans la « Correspondance Prunis et Leydet » où elle occupe 46 feuillets (Manuscrits français, Périgord 106, f° 50 r°- f° 72 v°).  Soit 1/3 environ du texte original sur lequel a été établie directement, par Anne-Gabriel Meusnier de Querlon, la toute première édition du Journal de voyage de Michel de Montaigne en Italie par la Suisse et l’Allemagne en 1580 et 1581 (Paris, Le Jay, 1774 : en fait, trois éditions distinctes la même année), devenu depuis, par commodité critique, le Journal de/du voyage de Montaigne.

Outre qu’elle est lacunaire, la dénommée « copie Leydet » n’est, semble-t-il, pas exempte d’erreurs de lecture, en dépit de la compétence paléographique généralement reconnue à ce savant périgourdin et collecteur d’archives, dont la transcription paraît avoir été quelque peu rapide, outre qu’elle n’a porté que sur des fragments qu’il voulait sans doute communiquer à son collègue Prunis, sans qu’on sache bien quels ont été ses critères de sélection, sinon pour ce qu’il écarte comme indécent ou obscène (mais le grec lui sert alors à point nommé…). Reproduits après coup, donc à la fin du document, une vingtaine de fragments courts et longs doivent être réinsérés dans la première partie de la copie, c’est-à-dire dans le fil de la relation qui concerne les premiers mois du voyage de Montaigne par la France, la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche, avant le passage en Italie. Or cette partie avait été écrite, et selon toute vraisemblance rédigée plutôt que dictée, par le secrétaire que Montaigne avait emmené avec lui. C’est seulement à Rome que le gentilhomme, comme on sait, a pris le relais après avoir donné congé audit secrétaire, non sans avoir parfois recours à d’autres mains, ainsi que Leydet le note, en particulier dans la partie du texte que le voyageur a rédigée en italien. En revanche, au dire de Querlon, il se peut que quelques additions marginales aient été apportées par Montaigne lui-même et de sa main au texte de son secrétaire, qui ne sont pas toujours signalées comme telles par Leydet. Ne fait-il pas de même en marge de son César, annoté d’abord par un tiers, mais sous son contrôle (voir ici-même les notes du César) ?

Sur deux pages intégrées au fac-similé (f° 9 r°-v°), Prunis a pris soin de recopier l’incipit et l’explicit de la copie partielle de son collègue, qui signale bien le retour à Montaigne le 30 novembre 1581, mais ne donne comme indication sur une date de départ que le 5 septembre 1580, date à laquelle la petite troupe enfin constituée a effectué le trajet entre Beaumont et Meaux. Ces deux informations se rencontrent aussi dans le texte édité par Querlon, mais Leydet seul signale, dès les premiers mots, un passage par « Niort », nom de ville manifestement erroné auquel Philippe Desan invite à substituer « Mors » pour « Mours », lieu voisin de Beaumont. Querlon note d’autre part qu’il manquait un feuillet (un seul, vraiment ?) à l’original. Y était-il fait mention de la destination première, préalable au voyage proprement dit, dont la dernière note de la « copie Leydet » fait état (« Montaignes [sic] […] d’ou j’etois parti le 22 de juin pour aler a la fere ») ? Et encore, avant même qu’il ne se rende au siège de La Fère, de son passage par Saint-Maur-des-Fossés où, en compagnie de son beau-frère Pressac, il offrit, selon La Croix du Maine, ses « premiers » Essais au roi Henri III ? Quoi qu’il en soit, le décompte final de Montaigne inclut ce préambule : « par consequent avoit duré notre voiage 17 mois 8 jours », soit près d’un an et demi. Les dates sont corroborées par la note que Montaigne a laissée, à la page du 30 novembre, sur son Éphéméride de Beuther : « 1581 j’arrivai en ma maison de retour de un voïage que j’avoi faict en Alemaigne et en Italie au quel j’avoi este despuis le 22 de juin 1579 jusques au dit jour. »

La « copie Leydet » contient en sus une version de la bulle de citoyen romain obtenue par Montaigne lors de son voyage à Rome (f° 68 v°), qu’on pourra comparer à celle dont font état les Essais à la fin du chapitre « De la vanité » (III, 9). Également présente dans le fac-similé joint, mais hors d’œuvre, la page où Leydet a reconstitué la généalogie de la descendance de Montaigne au XVIIe siècle (f° 70 v°) n’a pas fait ici l’objet d’une transcription. Les indications portées par le chanoine en marge de sa copie sont, quant à elles, éditées pour la première fois dans la mesure où elles peuvent intéresser le chercheur, même quand il s’agit de simples balises comme, par exemple, lorsque Leydet écrit, conformément à la graphie retenue par les éditions posthumes des Essais, « R. de sebonde » (i.e. Raymond de Sebonde) en face de « sebon », nom propre du théologien catalan traduit par Montaigne et qui a échappé à Querlon. Ce dernier lui substitue en effet un vague « le bon » qui n’aurait ici aucun sens. Ne serait-ce que pour cette importante précision, la « copie Leydet » méritait l’édition.

Celle-ci a été procurée pour la première fois par François Moureau, son heureux inventeur ou dénicheur, dans un article intitulé « La copie Leydet du ‘Journal de voyage’ » (Autour du Journal de voyage de Montaigne 1580-1980, Actes des Journées Montaigne, Mulhouse-Bâle, octobre 1980, publiés par F. Moureau et R. Bernoulli, Genève-Paris, Slatkine, 1982, p. 107-185). Ma transcription doit beaucoup à cette édition proprement critique, qui donne en bas de page les variantes des trois éditions Querlon de 1774, non reproduites ici. Elle l’amende toutefois sur plusieurs points, certains presque négligeables (ponctèmes, accents, apostrophes, consonnes simples ou doubles), d’autres non (omissions et substitutions de mots) toutes modifications que la présente édition numérique surligne en gris. Elle indique de surcroît les repentirs, hésitations, surcharges, ratures, accents (parfois bien distincts, parfois non), majuscules ou minuscules (parfois difficiles à distinguer), virgules, points-virgules, points, ou leur absence, dans la mesure où ils pourraient fournir, quoique sans garantie, quelque information sur le texte originel (on y lit par exemple « ha » pour « a », « quil » pour « qu’il », etc.). Il m’a paru préférable de ne pas distinguer typographiquement le texte qu’il reproduit des commentaires ou résumés qu’il insère (Moureau fait cette distinction pratique, Leydet ne la fait pas). Dans la mesure où elles intéressent la réception de Montaigne par Leydet, les manchettes sont, en revanche, intégralement transcrites (Moureau s’en est abstenu).

Depuis 1980-82, plusieurs autres livres et éditions ont fait, eux aussi, avancer notre connaissance dudit « Journal de voyage », des circonstances de sa rédaction et de son histoire éditoriale, en particulier pour la partie rédigée en italien, d’établissement quelque peu incertain (il est difficile de juger Leydet sur ce point) : Montaigne. Journal de voyage, Paris, Gallimard, 1983 (éd. Fausta Garavini) ; Journal de voyage de Michel de Montaigne, Paris, PUF, 1992 (éd. François Rigolot) ; « Cette belle besogne », Étude sur le Journal de voyage de Montaigne avec une bibliographie critique, Fasano-Paris, Schena editore – PUP Sorbonne, 2005 (Concetta Cavallini) ; Journal du voyage en Italie (1774), Paris, Classiques Garnier, 2014  (éd. Philippe Desan) ; Montaigne à l’étranger. Voyages avérés, possibles, imaginés, Paris, Classiques Garnier, 2016 (dir. P. Desan). Il est indispensable de recourir à ces ouvrages si l’on veut apprécier l’importance relative de la « copie Leydet » et comprendre pourquoi elle a été versée dans le présent corpus du projet ANR « Montaigne à l’œuvre ».

Je remercie Mathieu Duboc pour son aimable et précieuse collaboration.

Alain Legros, 29 mai 2015
Mise à jour : 23/03/2017

Fac-similés

Édition par Alain Legros (fichier PDF).

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